Depuis la légalisation des sages-femmes en 1999 et la rentrée en fonction de l’Ordre des Sages-Femmes du Québec (OSFQ), les sages-femmes sont reconnues comme des professionnelles autonomes. Cela implique qu’elles représentent désormais un choix de professionnel de la santé intégré au réseau public et que les coûts sont donc entièrement couverts par la Régie de l’assurance maladie du Québec.
Photo: Safi Photographie
Les sages-femmes sont en négociation depuis le mois de juin 2011. Leurs demandes visent à faire reconnaître le travail qu’elles font, mais plus essentiellement, elles revendiquent la protection de leur modèle de pratique qui est original et dont bénéficient grandement les femmes et leurs familles.
Ce modèle donne le choix aux femmes d’accoucher à l’endroit qu’elles désirent entre le domicile, la maison de naissance ou l’hôpital. Aussi, ce modèle permet une continuité des soins, c’est-à-dire des soins personnalisés, avec la chance de connaître et d’avoir une relation avec la sage-femme qui sera présente à l’accouchement. De plus, les sages-femmes restent de garde 24 heures sur 24 pour les femmes qu’elles accompagnent. Ainsi, les sages-femmes exigent que ce modèle soit reconnu et demandent un ajustement salarial pour refléter sa juste valeur. En ce moment, les sages-femmes du Québec sont payées 1 $ pour chaque heure qu’elles sont « de garde », c’est-à-dire disponibles pour leurs clientes 24 heures sur 24, le soir, la nuit, les fins de semaine et les jours fériés. Elles sont payées l’équivalent d’une heure de salaire d’un professionnel de la santé qui travaille dans un domaine similaire, pour huit heures de garde. De plus, elles ne reçoivent aucune prime d’horaire défavorable, contrairement aux autres professionnels qui reçoivent des primes lorsqu’ils assument des horaires inhabituels.
Selon moi, le modèle de pratique des sages-femmes au Québec est grandement en péril. Le système public, malgré son avantage incontestable d’accessibilité pour tous, encourage tout de même une institutionnalisation progressive du travail des sages-femmes. Le désir de comptabiliser les actes des professionnels de la santé dans le but de les rentabiliser risque aussi de diminuer la qualité des soins ainsi que le caractère personnalisé qui est offert dans le suivi sage-femme.
Tout simplement, je crois que la raison pour laquelle le travail, et particulièrement la garde des sages-femmes, est sous-payé et invalidé est que le gouvernement ne croit pas que la garde est rentable. Pourtant, les chiffres parlent ! Selon les statistiques tirées de « l’Évaluation des projets pilotes de la pratique des sages-femmes au Québec », on observe un nombre d’interventions nettement plus bas pour les naissances avec sages-femmes. Ainsi, nous pouvons noter :
• 4 fois moins de forceps (1,4 % vers 4,1 %)
• 8 fois moins de ventouses [1,7 % contre 10,2 %]
• 5 fois moins d’épisiotomies (5,8 % contre 32 %)
• 2 fois moins de césariennes (10,8 % contre 19,8 % pour les primipares et 1,4 % contre 6,8 % pour les multipares)
• Une réduction de plus de 70 % des déchirures au 3e et 4e degré
Cette diminution du nombre d’interventions représente également une diminution nette des coûts reliés à l’hospitalisation. Dans cette optique, il faut se demander pourquoi le gouvernement ne considère pas les sages-femmes à leur juste valeur.
En tant qu’étudiante, je suis fière d’apprendre le métier de sage-femme qui évolue, mais qui reste ancré dans des revendications féministes, qui demandent l’humanisation des naissances, l’autonomie dans la maternité et le droit de choisir.
Je célèbre le fait que les coûts des services des sages-femmes soient couverts par le régime de l’assurance médicale du Québec, mais je ne souhaite pas que ce soit au détriment de la qualité des soins. Pour le développement durable de la pratique des sages-femmes, nous devons en tant que société faire le choix de les appuyer dans leurs négociations et ainsi de supporter les femmes qui font le choix d’un suivi par une sage-femme.
Sara-Michelle Bresee
Étudiante 3ième année au Baccalauréat Sage-Femme à L’UQTR
Centre La Source en Soi
www.lasourceensoi.com