L’image du bébé in utero protégé contre tous les aléas de la vie au creux de son nid douillet est maintenant remise en question. Les recherches démontrent de plus en plus que les hormones maternelles traversent le placenta et influencent l’humeur du bébé in utero. En deux mots, la mère communique ses états d’âme à son enfant : ses plus belles joies, mais… d’autres moins agréables aussi. Au lieu d’accueillir cette nouvelle avec culpabilité, pourquoi ne pas la voir d’une façon constructive ? Voyons voir ce que l’enfant prénatal en pensent lui…
Un fœtus plus du tout pressé…
Louise est enceinte. Son ventre est magnifique… et énorme. C’est normal puisqu’elle en est à plus de quarante-et-une semaines. En fait, elle vient me rencontrer parce qu’elle a dépassé sa DPA (date prévue d’accouchement ). Bien que tête première, son bébé est encore placé bien haut et aucune contraction ne se manifeste. Elle qui a dû passer plus des deux tiers de sa grossesse allongée à cause de contractions utérines intenses ne comprend pas pourquoi son bébé, qui a maintenant enfin la permission de naître, ne le fait pas. « Ce n’est pas logique », me dit-elle, « si, depuis si longtemps, il était pressé de sortir, pourquoi ne le fait-il pas maintenant alors que c’est le bon moment ? » Oui, c’est bien vrai, notre logique ne suit pas toujours le même raisonnement que celui d’un tout-petit bébé même pas encore né. Si l’on pouvait adopter le point de vue de cet enfant in utero, on en comprendrait mieux la raison.
Introjecter une émotion…
C’est justement ce que nous avons fait : nous avons donné la parole à la Sagesse de ce bébé au moyen de la P.A.B.. Ces trois lettres signifient tout simplement la « Parole Au Bébé », approche que j’ai mise au point depuis le début des années 2000. Dès le début de la rencontre, le bébé de Louise nous a dit se sentir très triste. Louise s’est montrée assez surprise d’entendre qu’un bébé pouvait être triste avant sa naissance. Elle était convaincue que le fœtus vit la plus belle période de sa vie, blotti sans souci au creux de son nid utérin. Son enfant nous a aussi expliqué qu’il avait « introjecté » cette émotion de sa mère qui était elle-même déprimée.
« Introjecté » signifie qu’il avait fait sienne cette tristesse maternelle; il avait littéralement adopté le sentiment de sa mère d’autant plus facilement que, lui personnellement, était particulièrement sensible à cette « couleur » de ressenti. Comme le disent si bien Anne Givaudan et Daniel Meurois dans leur célèbre livre Les neuf marches : « J’ai mal là où jadis j’ai été blessé. » En d’autres mots, la petite graine de tristesse « donnée » par sa mère avait facilement germé dans une terre particulièrement accueillante. Il n’y a donc, évidemment, aucune faute chez la maman.
Louise m’a dit ne pas se sentir « si triste que ça », et c’est en interrogeant le subconscient de Louise que nous en avons appris la raison : elle avait réprimé son émotion. Ainsi, peut-être ne la sentait-elle plus et réussissait-elle à vivre son quotidien, mais elle rendait du même coup sa guérison plus difficile. En effet, comment soigner une plaie que l’on garde cachée à tous et même à soi ? Ce déni facilitait peut-être le quotidien de Louise lui permettant de survivre comme si de rien n’était, mais en refoulant son émotion, elle la renvoyait littéralement à son enfant. Il ne faut pas oublier que l’on ne peut mentir à un fœtus qui ressent tout. Le placenta est un bon filtre, mais il laisse passer les hormones maternelles, celle du bonheur… et celles aussi du stress et de la tristesse.
La dépression prénatale…
De nos jours, on reconnait la possibilité pour une nouvelle maman qui vient d’accoucher de souffrir de dépression postnatale, mais on oublie les statistiques qui rapportent que 10 % des femmes enceintes souffrent de dépression. Dans notre société actuelle, il est plus difficile d’accepter qu’une femme enceinte ne soit pas parfaitement heureuse et comblée. Et, pour elle, il est plus difficile aussi de l’avouer. La peur de ne pas être une bonne mère n’est pas loin, et celle d’être jugée non plus ! Pendant ce temps, un enfant ressent tout cela.
Si la mère-en-devenir peut sourire et cacher sa tristesse à ses proches, elle ne peut réussir à le faire pour son enfant en elle. Tout au long de sa gestation, le bébé de Louise a essayé de signifier à sa mère de prendre soin de sa souffrance. Les contractions que Louise avait senties dès le début du cinquième mois de sa grossesse reflétaient le besoin de son enfant in utero de ne plus nager dans tant de tristesse déniée, et qu’on l’aide lui aussi. Son anxiété libérait des hormones du stress causant les contractions.
Pour un adulte, vivre aux côtés d’un proche qui ne va pas bien, qui est déprimé ou triste est bien difficile, mais imaginez vivre EN cette personne, chaque seconde, jour et nuit, pendant neuf mois ! Pour Louise, comme pour nous tous, il est souvent difficile de rassembler assez de courage pour affronter et accueillir une souffrance intérieure, mais pendant la grossesse, savoir que notre enfant la ressent lui aussi et qu’il en est affecté peut alimenter le courage d’oser se rapprocher consciemment des racines du mal-être et d’agir. Nier la douleur revient à enseigner au bébé : « On ne peut rien faire quand on souffre. »
Dans ces cas-là, les symptômes du bébé prénatal n’accusent ni ne blâme sa mère. Jamais ! Au contraire, il est toute empathie et souhaite travailler en équipe avec elle pour un mieux-être commun. Et mieux encore : plusieurs bébés in utero ont témoigné dans mon bureau avoir su utiliser cet épisode de tristesse prénatale comme un véritable tremplin pour grandir personnellement de multiples façons.
Les appels d’un enfant prénatal…
Une tristesse qui dure longtemps ou une dépression prénatale ont une cause et, avec un peu d’aide, on peut la mettre en mots. Nommer cette souffrance de façon juste et précise la désamorce bien souvent en grande partie et même souvent totalement. Chaque cellule de notre être est au courant de ce que vivent le corps, le cœur et l’esprit. La Parole Au Bébé peut faciliter le dialoguer avec toutes ces zones en soi qui livrent alors un message constructif.
Chez une femme enceinte, particulièrement, ce courage porte fruit ! Le bébé pour qui l’on a osé dépasser les barrières de l’inconscience, de la peur ou de la honte devient alors un motivateur et un coéquipier extraordinaire qui permet à sa mère de grandir et de faire les pas de géant qu’elle n’aurait peut-être pas faits sans le malaise et le symptôme initial. Parfois aussi à toute la famille ! Dans le cas de Louise, cette tristesse qu’elle n’a jamais autant ressentie que maintenant lui permettra de nettoyer ce qui appelait en elle depuis très longtemps. La grossesse est une période particulièrement propice pour faire du ménage, et tout le monde en bénéficiera. Le jeu des hormones sert de révélateur. Les hormones n’inventent pas un inconfort : elles mettent en évidence ce qui a besoin d’être mis en lumière.
Le retour de l’espoir…
Après notre rencontre, le bébé de Louise n’a pas eu besoin que sa mère ait complètement réglé son problème pour poursuivre sa route sereinement. Le seul fait de s’être exprimé clairement et d’avoir pu partager l’objet de son inconfort avec elle lui a permis de se concentrer sur son projet personnel qui consistait à se mettre au monde en déclenchant sa naissance. Pour ce bébé, sentir que sa mère avait pris en main le « dossier » de sa tristesse et l’avoir vu s’en occuper concrètement l’a libéré de sa préoccupation et a installé en son cœur et en son âme ce que l’on appelle tout simplement… l’espoir.
J’espère que l’histoire de Louise et de son bébé in utero donnera espoir et courage aux mères-en-devenir, en particulier celles qui sont tristes ou déprimées. De l’aide et des solutions efficaces existent. Je vous souhaite la force d’accepter la main que leur tend peut-être votre enfant par un symptôme ou un autre. Je vous invite à donner la parole à votre bébé qui jamais ne vous juge ni ne vous critique.
Brigitte Denis
Lasourceensoi.com
Crédit Photo: Annie Savard-Filion/ Safi Photographie