Il y a de cela plusieurs années, l’Association pour la santé publique du Québec publiait un dépliant sur les droits des femmes durant leur grossesse et leur accouchement, que l’on peut trouver sur leur site*. On peut se demander pourquoi il est nécessaire de parler des droits des femmes pendant la période périnatale. C’est qu’on commence à se préoccuper, à l’échelle internationale, de la manière dont les femmes sont traitées pendant qu’elles sont enceintes et accouchent, au sein du système de santé. En 2010, l’organisme USAID International publiait un état de la situation, qui révélait que dans de nombreux pays du monde – dont les États-Unis et le Canada – des femmes enceintes et qui accouchent sont sujettes à de mauvais traitements et au manque de respect d’intervenants à leur égard.
*(http://www.aspq.org/uploads/pdf/4eebc102213a9droits-des-femmes.pdf)
À la suite de la publication de ce rapport, une autre organisation internationale, l’Alliance du Ruban Blanc pour la Maternité sans risque réunit un groupe de personnes oeuvrant dans les domaines de la recherche, de la santé maternelle et infantile, de la qualité des soins, de l’éducation, du droit et de la défense des droits. Le résultat de leurs travaux est le lancement, début 2012, d’une charte sur le respect dans les soins de maternité pendant la période périnatale. Cette charte s’inspire du contenu de dispositifs internationaux relatifs aux droits de la personne, telles la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Déclaration sur l’élimination de la violence envers les femmes, la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme de l’UNESCO.
Comme le dit la brochure de l’Alliance du Ruban Blanc : « Cette Charte a pour objectif de s’attaquer au problème du manque de respect et des mauvais traitements envers les femmes ayant besoin de soins de maternité. Elle offre une tribune pour améliorer la situation par les moyens suivants :
- Faire prendre conscience que les droits de la personne reconnus par les déclarations, conventions et pactes, des Nations Unies ou d’autres organismes internationaux, adoptés internationalement s’appliquent aussi aux femmes, pendant leur grossesse, leur accouchement et la période postnatale ;
- Mettre en évidence la connexion entre le langage des droits de la personne et les questions-clés pertinentes aux soins de maternité ;
- Accroître la capacité des défenseurs de la santé maternelle à prendre part aux processus des droits de la personne ;
- Ajuster la perception qu’ont les femmes d’avoir droit à des soins de maternité de haute qualité aux standards internationaux en matière des droits de la personne ;
- Fournir une base à partir de laquelle le système de soins de maternité et la communauté seraient tenus responsables vis-à-vis de ces droits. »
La charte comporte sept articles, en lien avec sept catégories de manque de respect et de mauvais traitements identifiés dans le rapport de la USAID International : la violence physique, les soins administrés sans consentement préalable, la non-confidentialité des soins, les soins ne respectant pas la dignité de la personne (violence verbale y compris), la discrimination fondée sur des attributs spécifiques à la patiente, l’abandon ou refus de soins et la détention dans les centres 1.
Conséquemment, les articles de la charte qui affirment les droits civils fondamentaux des femmes lors de la période périnatale se lisent comme suit :
En sollicitant et en recevant des soins de maternité, avant, pendant et après l’accouchement :
Article 1. Toute femme a le droit de conserver son intégrité et de ne pas être soumise à de mauvais traitements.
Article 2. Toute femme a le droit d’être informée adéquatement, d’exprimer son consentement et son refus, libre et éclairé, et d’exiger le respect de ses choix et de ses préférences, y compris en ce qui concerne la présence auprès d’elle d’accompagnant(s) (famille, amis, doula 2) pendant qu’elle reçoit des soins de maternité.
Article 3. Toute femme a droit au respect de sa vie privée, et à la confidentialité des informations la concernant.
Article 4. Toute femme a le droit d’être traitée avec dignité et respect.
Article 5. Toute femme a droit à l’égalité, à l’absence de discrimination et à des soins équitables.
Article 6. Toute femme a le droit de bénéficier de soins de santé et de jouir du meilleur état de santé possible.
Article 7. Toute femme a droit à la liberté, à l’autonomie, à l’auto-détermination et elle ne peut être forcée à quoi que ce soit.
Au Québec, les articles 8 à 10 la Loi sur la Santé et les Services sociaux protègent les droits des patients d’être informés, de consentir ou de refuser un traitement et de participer à toute décision pouvant les affecter.
Plusieurs études effectuées à travers le monde montrent que cette charte était nécessaire. Au Québec, une étude effectuée en 2008-2011 en partenariat par le Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes (CRI-VIFF) et par le Regroupement Naissance-Renaissance révèle l’existence de manque de respect et de mauvais traitements envers les femmes ayant accouché au Québec. Cette situation préoccupante, mais sur laquelle existe depuis longtemps un lourd voile de silence, demande qu’on s’en occupe. La charte dont il vient d’être question se veut un outil auquel les femmes, partout dans le monde, peuvent maintenant se référer en cas de besoin. Vous pouvez la télécharger en allant sur le site :
http://www.whiteribbonalliance.org/index.cfm/the-issues/respectful-maternity-care/
1 Dans certains pays où les soins ne sont pas gratuits, on empêche les femmes de retourner chez elles tant qu’elles n’ont pas payé, ou encore on garde leur bébé.
2 Une doula est une accompagnante à la naissance
Hélène Vadeboncoeur,
PH.D, chercheure en périnatalité
Auteur du livre: une autre césarienne ou un accouchement naturel? S’informer pour mieux décider, édition carte blanche