Je me sens cernée, vieille et fatiguée, j’ai perdu le contrôle de mes kilos et mes rides sont de plus en plus profondes. Je ne me sens plus vraiment moi. Notre maison est un champ de bataille, jalonné de fruits croqués une seule fois, de miettes de pain et de jouets cabossés. Je suis envahie et je n’ai plus jamais une minute à moi. Mon intimité est toujours partagée par leurs petites mains qui touchent à tout, qui déplacent mes habitudes.
Le chaos est à présent situation habituelle. Je me surprends parfois à fermer les yeux et vivre dans un univers immaculé à prendre un bain chaud, à regarder un film en entier, à boire un verre d’eau sans dégât. Je rêve de tranquillité, de solitude, et je m’étonne de vouloir ce que j’ai toujours trouvé vide et sans intérêt. Quel paradoxe! Tourbillon de corvées et la minute d’après, moment d’accomplissement absolu.
Lorsque je raconte mes sensations à mon amie, elle m’interpelle: «Laisse-toi une chance, ce que nous vivons en tant que mère de jeunes enfants est tellement INTENSE, chaque chose en son temps, ne court pas, dépose-toi.»
Elle a raison, je le dis souvent, c’est une discipline olympique que d’accompagner des enfants, d’une rigueur à toute épreuve, mon plus grand défi et le plus déroutant aussi. Mais avec certitude, le plus beau, celui qui m’apporte le plus de bonheur.
Ils me piétinent le corps, elle me rentre ses petits coudes aiguisés dans les côtes, me marche sur la tête. Il me tambourine le ventre, me tire les cheveux à chaque tétée. Ils me montent dessus, m’appellent sans relâche jusqu’à perdre patience. Ils me harcèlent, me bousculent. Ils me confrontent, me perturbent… Mais je les aime à en perdre la tête, ça me coupe le souffle. Je suis leur rocher lorsqu’ils s’échouent, leur garde-manger et leur berceuse. Un pilier, un guide et de l’amour à profusion.
Leurs cheveux doux, leurs yeux parfaits, le contour de leur petit nez retroussé. Ils sentent bons, sont plein d’espoir, ils rient aux éclats sans penser à demain. lls respirent la spontanéité et l’intelligence. Ils sont espiègles, vifs. Ils me surprennent, inlassablement.
Je vis la même journée depuis des mois et eux se renouvellent chaque matin, me sortent de ma zone de confort si chère, ils évoluent et gagnent en confiance, en autonomie.
Comment être aussi dérangée et pourtant aimer à l’infini? Comment vouloir fuir et en même temps se dire qu’une minute sans eux est du temps perdu?
Alors, cela m’a inspiré et j’ai voulu nous faire un beau geste à nous, femmes, puis mères. Une ode pour nous rendre hommage, pour marquer nos exploits, pour écrire notre quotidien. Pour nous donner du courage, pour nous câliner, nous pardonner, nous AIMER tout simplement…
Nous avons fabriqué des enfants, et ils sortent de notre corps, ce n’est quand même pas rien, un humain qui sort de nous! Nous les nourrissons et les accompagnons sans relâche. Jour après jour, des années durant comme une mission capitale.
Le jour de leur naissance, nous perdons notre insouciance, nous grandissons d’un coup en portant une part d’humanité sur nos épaules. C’est l’heure des responsabilités et des choix. Pourtant, nous sommes si vulnérables, en apprentissage et déjà la pression alentour exige et nous tiraille. Nous nous oublions à corps perdu, nous découvrons le sacrifice au sens propre et l’implication, mais aussi l’attachement dans tout ce qu’il a de plus pur et authentique. Nous sommes transformées pour toujours, épuisées, nous travaillons sans cesse notre patience et notre lâcher-prise. La culpabilité nous habite et notre mission de protection prend la plus grosse place.
Nous aimons sans compter, on se décarcasse, on «solutionne», on s’inquiète… De toutes nos forces, nous voulons offrir le meilleur, à nous donner mal au ventre. Si sensibles, nous sommes devenues, de ressentir si fort, si juste. Nos corps y laissent des plumes, nos cœurs sont éraflés, nos têtes tracassées.
Et pourtant, il faut le vivre pour le croire, on ne changerait pas grand-chose. Cette aventure complètement folle nous révèle: pleurs ou joies, désespoir et force, ras-le-bol et satisfaction, plénitude. Un mélange de toutes les émotions possibles qui nous transportent et nous transcendent même…
Nous sommes espoir, nous pansons les blessures, soufflons sur des genoux, caressons des têtes, et essuyons des chagrins, nous ouvrons les esprits. Nous avons entre nos mains les faiseurs de demain!
Alors pour toutes ces raisons, nous sommes sacrément belles, fortes, époustouflantes et remarquables. Puissantes, profondes, envoûtées, métamorphosées à tout jamais. Être mère est d’avoir découvert le secret: la grâce du cœur!
Chloé Boehme
Accompagnement périnatal et familial au Centre La Source en soi
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