Allaitement
Le 30 juillet 2015 – 14:25 | Marie-Caroline Bergouignan, consultante en lactation IBCLC
Source: Magasine Grossesse
C’est la question que toute femme enceinte se pose! Pour certaines, la réponse viendra vite. Pour d’autres, il y aura une grande hésitation. Quelle que soit votre situation, que votre décision soit claire, dans un sens ou dans l’autre, ou que vous soyez mitigée, prenez le temps de vous informer.
Certaines personnes vous diront que la question ne se pose pas. L’allaitement est la suite physiologique de la grossesse et de l’accouchement. Les femmes sont faites pour ça. Le lait maternel est ce qu’il y a de mieux pour le bébé et pour son développement optimal. Tout cela est vrai. Mais en 2015, la décision ne se base pas seulement sur ces points et la réflexion est parfois plus complexe.
Je voudrais tout de même rappeler certaines notions primordiales. Le bébé humain est un des rares mammifères à naître inachevé. Le cerveau, les systèmes digestif et immunitaire du bébé sont immatures. Le lait maternel vient favoriser leur développement optimal par certaines de ses composantes, que nous ne retrouvons pas dans les préparations commerciales pour nourrissons, comme les hormones, les enzymes, les facteurs de croissance et antimicrobiens. C’est pourquoi on recommande l’allaitement exclusif durant les 6 premiers mois de vie pour optimiser ce développement et réduire de façon significative les risques pour certaines maladies et infections et ce, à long terme, même après la période d’allaitement.
Je pourrais vous parler des bienfaits de l’allaitement maternel ou des risques du non-allaitement, mais je choisis de vous parler plutôt de l’ambivalence que certaines femmes ressentent face à l’allaitement. Je voudrais partager avec vous les inquiétudes que j’entends lorsque je fais des rencontres prénatales.
L’allaitement fait mal les premiers temps
La douleur en allaitement n’est jamais normale, que ce soit à la première tétée ou à la dernière, et elle n’est surtout pas une étape obligatoire. Elle signifie que la position du bébé au sein n’est pas adéquate. Cela peut paraître simple, mais parfois, c’est plus complexe de trouver exactement la cause du problème et de la régler et cela ne se résout pas toujours en l’espace d’une tétée. Il est donc essentiel de consulter dès les premiers signes d’inconfort pour éviter que cela ne s’aggrave et rende votre allaitement inconfortable. Pour surmonter cette difficulté, il faut aller chercher de l’aide et se donner un peu de temps. Cela peut prendre environ 6 semaines pour que votre allaitement devienne facile et agréable.
Je vais allaiter si j’ai assez de lait
Le manque de lait est une des premières causes d’abandon de l’allaitement alors que c’est physiologiquement une pathologie rare. Beaucoup de femmes pensent manquer de lait alors qu’elles n’en manquent pas et d’autres manquent de lait à cause de la façon dont l’allaitement est géré. Encore une fois, il est important de consulter pour avoir de l’aide et de s’informer pour bien démarrer l’allaitement et éviter ce genre de problème. Les 6 premières semaines de vie sont cruciales, car c’est la période qui permet d’installer une bonne production de lait.
Je vais allaiter si je suis capable
Votre corps est capable d’allaiter. Vous êtes un mammifère, vous êtes faites pour ça. Tout dépend de comment est géré le début de l’allaitement et du support que vous avez ou que vous allez chercher. Informez-vous en prénatal. Entourez-vous d’une accompagnante à la naissance, d’une marraine d’allaitement et allez chercher de l’aide en cas de besoin, sans attendre. Il existe beaucoup de ressources, via les CLSC, les groupes d’entraide, internet, ou encore les consultantes en lactation IBCLC.
L’allaitement empêche le père de s’impliquer
ou tout repose sur la mère
Un nouveau-né demande beaucoup de soins parce qu’il est immature et dépend de nous à 100 %, 24 h / 24 h, 7 jours sur 7. Mais la majorité des soins peuvent être donnés par une autre personne que la mère, à part l’allaitement. Faites l’exercice d’écrire tous les soins que demande un bébé et voyez par vous-mêmes ! Et pour l’allaitement, il est possible de tirer le lait et qu’une autre personne le donne au bébé en cas de besoin. Le père peut très bien s’impliquer et développer un lien d’attachement avec son bébé même si la mère allaite. Discutez-en avec des pères de bébés allaités !
L’allaitement empêche la mère de sortir
Certaines femmes vous diront qu’au contraire, avec l’allaitement elles se sentent libres de sortir, car il n’y a rien à préparer ou à penser pour les repas du bébé. Le lait est toujours prêt, il y a toujours la bonne quantité, c’est toujours à la bonne température, donc c’est un souci en moins quand on prépare une sortie.
D’autres ne se sentiront pas à l’aise à cause du regard des autres quand elles allaitent en public, ou parce qu’elles ont besoin de leur fauteuil ou de leurs coussins pour pouvoir allaiter. Donnez-vous le temps d’apprivoiser l’allaitement et de développer vos nouvelles compétences de mères allaitantes ! Vous verrez, bientôt vous serez capable d’allaiter en faisant autre chose (préparation de repas, ménage, jouer avec une autre enfant…). Et même en public, il est tout à fait possible d’allaiter discrètement. Discutez-en avec d’autres mères pour partager des trucs et astuces et développer les vôtres !
En fait, dans beaucoup de cas, la difficulté n’est pas tant l’allaitement, mais l’adaptation au nouveau rôle de parent. Nous sommes peu préparés à ce nouveau rôle. Nous faisons un plan de naissance et préparons notre accouchement dans le moindre détail, mais nous réfléchissons peu à l’après, à comment prendre soin du bébé et répondre à ses besoins. Aussi, dans une société où tout va vite, nous avons une pression pour performer et réussir rapidement en tant que parents, mais l’adaptation à notre nouveau rôle peut prendre des mois. Vous n’avez pas appris votre métier en 2 jours. Le métier de parent ne s’apprend pas en 2 jours non plus !
Alors, allaiter ou ne pas allaiter ?
La décision reste la vôtre et il est important que vous l’assumiez, quelle qu’elle soit, pour ne pas ressentir de culpabilité ni de remords… Il est plus facile de choisir d’allaiter et d’arrêter pour différentes raisons que de choisir de ne pas allaiter et de le regretter, car on pourra difficilement faire chemin inverse.
Alors j’ai envie de conclure en vous disant : pourquoi ne pas essayer, voir comment ça se passe, voir comment vous aimez cela ? Et surtout, n’oubliez pas toutes les ressources disponibles. Ne restez pas seules avec vos questions, vos difficultés, vos doutes ou votre inconfort.
Marie-Caroline Bergouignan, consultante en lactation IBCLC
Au service de votre allaitement